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Yves Perrousseaux

 

[Janvier 2002]
Yves Perrousseaux, un pédagogue
et un propagandiste de la typographie

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Comment est venue l’idée de ta dernière publication, À bâtons rompus, avec Adrian Frutiger ?

Au départ, il y avait la plaquette d’une exposition qu’il avait réalisée en 1968 à Villeurbanne, près de Lyon. Elle reproduisait principalement les panneaux de cette expo sur les principaux enseignements de l’ouvre d’Adrian. Il m’a fourni en désordre différents documents iconographiques et des textes, me demandant d’en faire un livre. Il m’a fallu organiser l’ensemble, réécrire en bon français (sa langue maternelle est l’allemand), compléter les textes et leur donner une touche didactique. J’ai même ajouté au discours différents éléments comme la quasi totalité du premier chapitre concernant les origines et l’histoire des écritures puis celles des caractères typographiques. Tout s’est fait, bien sûr, dans le dialogue et le respect amical de nos connaissances complémentaires.

Tu habites à deux pas de Lurs-en-Provence. À cause des Rencontres de Lure dont tu es l’un des piliers ?

Non, pas du tout, c’est l’inverse qui s’est passé. C’est le fait d’être venu en Haute-Provence en 1968 qui m’a fait rencontrer des personnages comme Antoine Rico, imprimeur à Manosque, qui m’a fait connaître Jean Giono et Maximilien Vox, le créateur des Rencontres. Je suis membre de cette association depuis 1969, ça va faire 33 ans.
Quant à en être l’un des piliers, c’est beaucoup dire. C’est à Lurs que j’ai appris la plus grande partie de mes connaissances professionnelles actuelles. C’est à mon tour de transmettre ce que les aînés m’ont transmis, c’est tout et c’est normal.

Quels sont tes prochains projets éditoriaux ?

Il y a Adrian Frutiger qui m’annonce pour bientôt un manuscrit axé sur la transmission des connaissances. C’est l’une de ces principales préoccupations : il se considère comme un simple maillon d’une longue chaîne, avec des maillons avant lui et d’autres après lui que sont ces jeunes créateurs typographes dont certaines réalisations l’émerveillent.

Ladislas Mandel, est en train d’écrire un livre concernant la création de caractères numérisés et les pièges à éviter. C’est vrai qu’il est l’inventeur de la prédigitilisation, c’est-à-dire la déformation volontaire du dessin des lettres qui anticipe la déformation due à la pixellisation numérique, ce qui permet de rétablir, en final, le dessin désiré.
Et moi-même, qui dois écrire « à ma façon » une Histoire de la typographie destinée au plus grand nombre. Maintenant, je possède l’essentiel des connaissances à transmettre et me suis fait une photothèque de près de 1 000 reproductions de documents typographiques chronologiques dont l’essentiel provient des ouvrages clés de la bibliothèque de Ladislas Mandel. Ce qui me manque principalement, c’est le temps, mais petit à petit j’y arriverai bien. James Mosley, ce célèbre historien de la typographie londonien, m’a promis de me corriger et d’écrire l’introduction.

La partie historique de À bâtons rompus, que j’ai donc réalisée, m’a servi de ballon d’essai et pour le format de l’ouvrage, pour le principe des contenus (qui seront bien plus développés évidemment) et pour la mise en page qui fonctionne bien.

Et, pour terminer, comment vois-tu l’avenir de l’Atelier Perrousseaux ?

Je vais sur mes 62 ans et ma femme également. Dans trois ans j’aurais acquis le nombre de trimestres de cotisation sociale me permettant de toucher une retraite. Or ma femme (qui est la gérante de la SARL) est fatiguée et ne veut plus continuer au-delà de cette date.

Ou bien alors, l’Atelier s’arrête purement et simplement, ce qui serait dommage. Ou bien d’ici là, on trouve une formule avec d’autres gens intéressés à poursuivre l’aventure et prendre notre relève, à Paris ou ailleurs, mais en tout cas plus dans notre maison.

À ce moment, je m’inscrirai à la Maison des Artistes, ce qui me permettra de continuer à réaliser, chez moi, des mises en page (même à temps partiel, car je ne m’imagine pas arrêter complètement mon activité typo) et de conseiller ceux qui prendront notre relève, mais je ne pourrai vendre que de la matière grise et artistique et non plus des produits fabriqués comme actuellement les livres.

Actuellement, notre activité éditoriale, si elle est appréciée, ne permet pas de vivre confortablement : l’argent qui reste sert à payer les rééditions et les nouveaux ouvrages, mais pas à dégager en plus des salaires normaux. Nos revenus proviennent essentiellement des travaux graphiques annexes pour des clients extérieurs.

Notre toute petite structure est empirique et nous n’avons jamais eu ni le temps, ni les connaissances, ni les moyens financiers pour la développer. Par exemple, il faudrait une activité commerciale et marketing digne de ce nom (et non pas un saupoudrage occasionnel comme nous l’avons toujours fait). Nous avons de bons produits qui correspondent à des besoins, en particulier les deux miens (Manuel de typographie française élémentaire et Mise en page et impression) ainsi que celui d’Emmanuel Florio : Guide de la couleur et de l’image imprimée. Ce sont trois ouvrages d’apprentissage (les autres livres que nous éditons sont plutôt des ouvrages de culture typographique et graphique). Il y a un marché : des centaines de milliers de clients potentiels sont concernées, mais jamais nous n’avons attaqué commercialement les entreprises, les collectivités, l’Éducation nationale, comme il aurait fallu, surtout à 800 km de Paris.

Pour qu’une continuation soit donnée à notre activité actuelle, c’est d’abord cela qui devra être mis en place. C’est le maillon faible, tous les autres fonctionnant fort bien. Nous sommes ouverts à toute proposition et avons deux bonnes années devant nous pour trouver la meilleure solution.


Site web: Atelier Perrousseaux


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